Jaguar a dévoilé hier sa nouvelle identité de marque
Et autant vous dire que depuis l’annonce, le monde du branding et de la publicité (et pas que !) s’agite. Ce rebranding, qui prépare la marque britannique à son repositionnement vers des véhicules 100% électriques à partir de 2025, a fait couler beaucoup d’encre. Chez Vingt Deux, en tant que passionnés de l’image et du rapport des marques à l’image, on ne pouvait pas ne pas prendre un moment pour vous donner nos sensations et notre avis sur ce cas d’école d’agence branding 🙂
Un logo qui fait réagir
Le changement de logo est la première étape visible de la métamorphose de Jaguar. Le félin emblématique s’est modernisé, adoptant un look plus épuré, presque minimaliste, aligné sur la tendance des redesigns à plat et des éléments vectoriels prédominants. Pourtant, la réaction du public ne s’est pas fait attendre, et elle est loin d’être unanime.
Globalement, tout changement de ce type suscite toujours des réactions et des émotions contrastées. Le public a souvent des attentes bien ancrées, et toucher à l’image d’une marque légendaire comme Jaguar, c’est comme déclencher une avalanche de réactions. Certains y voient une évolution nécessaire, d’autres regrettent l’authenticité d’antan. Ce qui est sûr, c’est que chaque refonte est un pari à deux faces :
- il faut plaire à de nouveaux publics
- il ne faut pas perdre les fidèles
C’est un exercice d’équilibriste qui, comme toujours, génère son lot de passion, de critiques, et d’émotions fortes. Le rôle de l’agence branding est de conseiller son client pour justement mettre les curseurs aux bons endroits et aider à maintenir ce bon équilibre tout en étant visionnaire.
Pour le cas de Jaguar, quand on fouille un peu sur Google, on peut voir que pour certains, ce changement est perçu comme une déconnexion avec l’héritage de la marque. Des critiques comme Elon Musk n’ont pas hésité à qualifier ce rebranding de « woke » et d’inadapté à l’ADN Jaguar (bon en même temps, est-ce surprenant venant de lui ?). Cette accusation de vouloir être « trop dans l’air du temps » ou de se plier à une tendance globale sans fond est un argument récurrent parmi les sceptiques. Le logo s’est épuré, mais en perdant — selon ces critiques — une part de la puissance et du luxe qui faisait autrefois la notoriété de la marque. Bref, pour certains, c’est comme si le jaguar avait perdu ses griffes.
Ce changement illustre aussi un défi clé : le risque de devenir « à la mode » au point de perdre son intemporalité. En effet, une identité qui se veut moderne et alignée sur les tendances peut vieillir plus vite qu’elle ne le devrait. Pour éviter ce piège, il est crucial que l’identité visuelle s’enracine dans la plateforme de marque, dans l’ADN même de Jaguar. Cet ADN peut évoluer, bien sûr, mais il ne doit pas se perdre. Le choix typographique de Jaguar, par exemple, apporte une certaine intemporalité qui sert de base solide. L’univers visuel et son déploiement peuvent évoluer au fil du temps, mais il est clair que ce choix est aussi ancré dans une tendance précise. C’est un pari ambitieux qui, s’il est bien géré, pourrait permettre à Jaguar de rester pertinent tout en continuant de séduire les générations à venir.
Pour Katty, notre directrice artistique, épuré ne signifie pas forcément dévaloriser :
« Le nouveau logo de Jaguar adopte une posture qui rappelle l’élégance sobre de Tesla ou d’Apple. C’est un signe que la marque se tourne vers un futur plus technologique et durable. La difficulté ici est de conserver cette essence « féline », ce côté sauvage et précieux, tout en préparant l’avenir. »
En d’autres termes, un jaguar sans rugissement, ça reste un jaguar, mais il faut savoir rugir au bon moment.
Ce logo se démarque également par son choix de typographie et de palette de couleurs. Jaguar a opté pour une typographie plus moderne, avec des lignes simples et fluides qui évoquent le mouvement et l’efficacité. Ce rebranding s’accompagne d’un nouveau logo minimaliste et d’une palette de couleurs modernes inspirées des peintres, marquant une rupture avec l’identité visuelle traditionnelle. Selon Adrian Mardell, PDG de Jaguar Land Rover, cette transformation vise à différencier la marque dans un marché en pleine expansion. Ces choix stylistiques sont en phase avec l’évolution de la marque, mais ils doivent encore convaincre un public très attaché à l’identité historique de Jaguar. Parce que soyons honnêtes, un jaguar sans ses taches, c’est un peu déroutant.
Une stratégie qui divise
La volonté de Jaguar de se repositionner complètement sur le segment des véhicules électriques ne passe pas inaperçue. Alors que d’autres constructeurs choisissent une transition graduelle ou adoptent une stratégie hybride, Jaguar a opté pour un changement radical. Forbes qualifie cette stratégie de « grand saut », une décision courageuse, mais risquée, tant pour l’image de la marque que pour son avenir financier. On sait que Jaguar a toujours aimé prendre des virages serrés, mais celui-ci pourrait bien donner des sueurs froides à certains. Chez Vingt Deux, on aime cette stratégie du tout ou rien, car elle montre une vision claire et assumée. Les stratégies du « ni-ni » ou celles qui ne s’affirment pas complètement sont souvent plus délicates à mener à bien. Une fois le raz-de-marée passé, il est fort possible que ceux qui critiquaient saluent la vision audacieuse de Jaguar, et que finalement, cette prise de risque puisse créer une nouvelle tendance.
Cette stratégie n’est pas sans rappeler d’autres transitions audacieuses dans l’industrie automobile. Pensons à Volvo qui, il y a quelques années, avait annoncé sa transition vers des motorisations entièrement électriques. Jaguar, en revanche, choisit de ne pas faire de compromis : aucun modèle hybride ne viendra adoucir la transition, ce qui en fait un choix très clivant. Certains voient en cela un courage indéniable et une capacité à se positionner comme leader de l’industrie électrique, tandis que d’autres pointent du doigt un risque énorme qui pourrait aliéner une partie de la clientèle traditionnelle. C’est un peu comme sauter d’une branche sans filet… on espère juste que la réception sera douce.
On peut aussi considérer que cette stratégie “on/off” pourrait aussi être l’occasion pour Jaguar de s’émanciper de son image parfois trop classique et de reconquérir une audience plus jeune et plus sensibilisée aux enjeux environnementaux. La clientèle de demain est en quête de marques qui se positionnent clairement sur la question du changement climatique, et Jaguar pourrait ici gagner de nouveaux adeptes. Cependant, cette reconquête n’est pas acquise : il faudra que la marque prouve que ses véhicules électriques sont aussi attractifs, performants et luxueux que ceux qui ont fait sa réputation.
Surfer sur la tendance ou rester authentique ?
Le cas de Jaguar nous rappelle que dans le monde du branding, la difficulté réside souvent dans l’équilibre. Vouloir à tout prix suivre une tendance (dans ce cas, une esthétique minimaliste et un engagement écologique) peut conduire à une perception de fausse authenticité. C’est la ligne à ne pas franchir : le « greenwashing » ou le « branding épuré » qui ne parle pas aux fidèles de la marque.
Jaguar, en souhaitant se rapprocher d’une esthétique plus minimaliste, risque de perdre son âme féline qui faisait tout le charme de son branding. Il y a un côté un peu mystérieux et rebelle dans l’identité de Jaguar qui, selon certains, n’est plus aussi présent avec cette nouvelle direction visuelle. Comme un félin dompté, le logo paraît plus calme, moins agressif, ce qui pourrait décevoir ceux qui appréciaient la férocité et le caractère de la marque. Le jaguar aurait-il mis les patins pour ne pas griffer le parquet ?
Pour Katty, cet équilibre est précisément la clé du succès :
« Pour qu’un rebranding fonctionne, il faut qu’il évoque le passé tout en ouvrant la porte au futur. C’est un exercice difficile, car il faut comprendre les attentes des clients fidèles tout en attirant de nouvelles audiences. Avec Jaguar, il y a des éléments qui fonctionnent très bien, mais aussi des éléments qui pourraient manquer d’impact pour ceux qui attendaient quelque chose de plus affirmé. »
En clair, il ne s’agit pas juste de refaire la déco, il faut aussi repenser l’âme de la maison.
L’authenticité est une valeur essentielle dans le branding aujourd’hui. Pour Jaguar, il est crucial de ne pas se contenter d’un logo attrayant mais de réfléchir à comment ce rebranding peut se traduire en expérience client, dans la publicité, dans la communication, mais aussi dans l’interaction quotidienne avec le produit. Par exemple, quelle sera l’expérience d’achat d’un véhicule Jaguar électrique en 2025 ? Est-ce que ce changement va aussi transformer l’expérience en concession, les services proposés, la manière dont la marque s’adresse à ses clients ? Parce qu’on sait bien que tout ne se joue pas uniquement sur la carrosserie, l’habitacle compte aussi.
Ce rebranding de Jaguar est un coup de poker : entre courage, tendance et peut-être quelques maladresses. Il y a dans cette nouvelle image des éléments très pertinents, mais la question de la connexion à l’histoire de la marque reste primordiale. Pour que ce rebranding soit un succès, il faudra que Jaguar trouve un équilibre entre tradition et innovation, pour ne pas se réduire à un simple symbole plat. Et n’oublions pas, un jaguar en deux dimensions, c’est sympa sur un écran, mais ce n’est pas ce qui fera tourner les têtes sur la route.
La question reste ouverte : Jaguar saura-t-elle concilier modernité et héritage, tout en évitant les pièges du « trop-woke » ou du « trop-épuré » ? Seul le temps nous le dira, mais une chose est certaine, ce repositionnement n’a laissé personne indifférent. La capacité de Jaguar à réécrire son histoire dépendra de sa capacité à créer du sens à chaque étape de l’expérience client, et à prouver que derrière ce nouveau logo se trouvent toujours la férocité et l’élégance qui ont fait sa réputation. Parce qu’après tout, un jaguar qui ne chasse plus, c’est juste un gros chat — et Jaguar, on le sait, n’est pas là pour ronronner, mais pour rugir.
Bonus : un branding qui évoque… des cosmétiques ?
En décortiquant ce nouveau logo, on n’a pas pu s’empêcher de remarquer une certaine ressemblance avec l’univers des marques cosmétiques ou de parfumerie. Avec ses lignes épurées et son esthétique minimaliste, le nouveau branding de Jaguar pourrait tout à fait trouver sa place sur une étagère de parfums luxueux chez Sephora. Les couleurs sobres, la typographie fine et l’élégance générale rappellent l’identité visuelle de certaines marques de soins haut de gamme. Vous savez, celles qui promettent de « révéler votre éclat intérieur » avec des emballages si chics qu’on a presque peur de les ouvrir. Et c’est là tout le paradoxe : d’un côté, on adore cette audace à la britannique, cette capacité à casser les codes pour réinventer l’image de la marque ; mais d’un autre côté, cette forte rupture peut dérouter. Jaguar, parfum de caractère ou soin luxueux pour l’environnement ? En tout cas, il faut bien avouer que ça nous intrigue — et c’est peut-être exactement ce que Jaguar cherchait à faire. Comme un bon parfum, l’important, c’est de laisser une empreinte… même si cette fois, elle est électrique.